Le Trois Mots
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ATELIER 4 : 4 novembre 2023 Prose ? Poésie ? Allez-y voir

4 participants

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Message par Catherine Jeu 2 Nov 2023 - 20:44

Nous essaierons de voir d'un peu près comment accéder à une écriture poétique à partir de textes de Victor Hugo et d'Albert Cohen (le livre de ma mère).
Pas d'inquiétude. ce devrait être assez amusant.
En attendant, vous pouvez vous immerger dans les recueils de poésies dont vous disposez.
A très bientôt.

(Suite et fin)
Je n'y croyais pas. Mais si, les consignes ont fonctionné. Je reconnais que c'était audacieux et laborieux. Un vrai atelier de travail quand les groupes se sont constitués pour transformer en poésie le texte suivant :  

Albert Cohen Le livre de ma mère

Nous ne connaissions personne à Marseille. Fiers quoique pauvres, nous ne fréquentions personne. Ou plutôt, personne ne nous fréquentait. Mais nous ne nous l'avouions pas ou, peut-être, ne nous en rendions-nous pas compte. Nous étions si nigauds, si perdus en cet Occident, et si peu dégourdis que lorsque mes parents faisaient du feu dans la cheminée, ils mettaient non des bûches mais de minces planchettes aussitôt consumées. Et le plus beau était qu'ils laissaient scrupuleusement le rideau de fer baissé jusqu'à la fin de l'opération, ce qu'ils supposaient être plus hygiénique. Ces deux échappés d'Orient, d'un Orient toujours printanier où les cheminées étaient inconnues, pensaient en effet que de visibles flammes dans ce mystère de cheminée devaient produire des émanations mortelles. N'était-ce pas une de ces diableries qui avait asphyxié celui que ma mère appelait le grand Zola? Elle n'avait évidemment lu aucun livre de cet écrivain, mais elle savait qu'il avait défendu le capitaine Dreyfus. (« Quelle idée aussi, ce Dreyfus, disait-elle, d'avoir choisi ce métier d'officier, avec un grand couteau à la ceinture. Ce ne sont pas des métiers pour nous. ») Bref, pour en revenir à notre système de chauffage, nous crevions de froid devant une cheminée vrombissante et un rideau de fer baissé. Nous nous chauffions devant un bruit glacé. On était des rien du tout sociaux, des isolés sans nul contact avec l'extérieur. Alors, en hiver, nous allions tous les dimanches au théâtre, ma mère et moi, deux amis, deux doux et timides, cherchant obscurément dans ces trois heures de théâtre un succédané de cette vie sociale qui nous était refusée. Que ce malheur partagé, et jusqu'à présent inavoué, peut m'unir à ma mère. Je me souviens aussi de nos promenades du dimanche, en été, elle et moi, tout jeune garçon. On n'était pas riches et le tour de la Corniche ne coûtait que trois sous. Ce tour, que le tramway faisait en une heure, c'était, en été, nos villégiatures, nos mondanités, nos chasses à courre. Elle et moi, deux faibles et bien vêtus, et aimants à en remontrer à Dieu. Je revois un de ces dimanches. Ce devait être à l'époque du Président Fallières, gros rouge ordinaire, qui m'avait fait frissonner de respect lorsqu'il était venu visiter notre lycée. « Le chef de la France », m'étaisje répété, avec une chair de poule d'admiration. En ce dimanche, ma mère et moi nous étions ridiculement bien habillés et je considère avec pitié ces deux naïfs d'antan, si inutilement bien habillés, car personne n'était avec eux, personne ne se préoccupait d'eux. Ils s'habillaient très bien pour personne. Moi, en inopportun costume de petit prince et avec un visage de fille, angélique et ravi à me faire lapider. Elle, reine de Saba déguisée en bourgeoise, corsetée, émue et un peu égarée d'être luxueuse. Je revois ses longs gants de dentelle noire, son corsage à ruches avec 45 des plissés, des bouillons et des fronces, sa voilette, son boa de plumes, son éventail, sa longue jupe à taille de guêpe et à volants qu'elle soutenait de la main et qui découvrait des bottines à boutons de nacre avec un petit rond de métal au milieu. Bref, pour cette promenade dominicale, on s'habillait comme des chanteurs d'après-midi mondaine et il ne nous manquait que le rouleau de musique à la main. Le livre de ma mère. Arrivés à l'arrêt de La Plage, en face d'un casino rongé d'humidité, on prenait place solennellement, émotifs et peu dégourdis, sur des chaises de fer et devant une table verte. Au garçon de la petite baraque, qui s'appelait a Au Kass' Kroutt's », on demandait timidement une bouteille de bière, des assiettes, des fourchettes et, pour se le concilier, des olives vertes. Le garçon parti, c'est-à-dire le danger passé, on se souriait avec satisfaction, ma mère et moi, un peu empotés. Elle sortait alors les provisions emballées et elle me servait, avec quelque gêne si d'autres consommateurs nous regardaient, toutes sortes de splendeurs orientales, boulettes aux épinards, feuilletés au fromage, boutargue, rissoles aux raisins de Corinthe et autres merveilles. Elle me tendait une serviette un peu raide, amoureusement repassée la veille par ma mère si heureuse de penser, tandis qu'elle repassait en fredonnant un air de Lucie de Lammermoo0r, qu'elle irait demain avec son fils au bord de la mer. Elle est morte.

Donc, les poètes étaient autour de leur table (4 par table, trois groupes). d'abord, travail personnel puis à l'intérieur du groupe, chacun donne sa proposition et on choisit une version.  Puis, le résultat de chaque est restitué à l'ensemble de l'atelier.

Deuxième étape :  Travail personnel seulement : transformer les textes poétiques en textes en prose :
extes de Victor Hugo

https://www.poesie-francaise.fr/victor-hugo
À découvrir sur le site

Chelles

Recueil : Les chansons des rues et des bois (1865).

J'aime Chelles et ses cressonnières,
Et le doux tic-tac des moulins
Et des cœurs, autour des meunières ;
Quant aux blancs meuniers, je les plains.

Les meunières aussi sont blanches ;
C'est pourquoi je vais là souvent
Mêler ma rêverie aux branches
Des aulnes qui tremblent au vent.

J'ai l'air d'un pèlerin ; les filles
Me parlent, gardant leur troupeau ;
Je ris, j'ai parfois des coquilles
Avec des fleurs, sur mon chapeau.

Quand j'arrive avec mon caniche,
Chelles, bourg dévot et coquet,
Croit voir passer, fuyant leur niche,
Saint Roch, et son chien saint Roquet.

Ces effets de ma silhouette
M'occupent peu ; je vais marchant,
Tâchant de prendre à l'alouette
Une ou deux strophes de son chant.

J'admire les papillons frêles
Dans les ronces du vieux castel ;
Je ne touche point à leurs ailes.
Un papillon est un pastel.

Je suis un fou qui semble un sage.
J'emplis, assis dans le printemps,
Du grand trouble du paysage
Mes yeux vaguement éclatants.

Ô belle meunière de Chelles,
Le songeur te guette effaré
Quand tu montes à tes échelles,
Sûre de ton bas bien tiré.

Victor Hugo.



Recueil : Les chansons des rues et des bois (1865).

Le bal champêtre est sous la tente.
On prend en vain des airs moqueurs ;
Toute une musique flottante
Passe des oreilles aux coeurs.

On entre, on fait cette débauche
De voir danser en plein midi
Près d'une Madelon point gauche
Un Gros-Pierre point engourdi.

On regarde les marrons frire ;
La bière mousse, et les plateaux
Offrent aux dents pleines de rire
Des mosaïques de gâteaux.

Le soir on va dîner sur l'herbe ;
On est gai, content, berger, roi,
Et, sans savoir comment, superbe,
Et tendre, sans savoir pourquoi.

Feuilles vertes et nappes blanches ;
Le couchant met le bois en feu ;
La joie ouvre ses ailes franches :
Comme le ciel immense est bleu !

Victor Hugo.

Après la bataille

Recueil : La légende des siècles (entre 1855 et 1876).

Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d'une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit.
C'était un Espagnol de l'armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu'à moitié.
Et qui disait : " A boire ! à boire par pitié ! "
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit : "Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. "
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l'homme, une espèce de maure,
Saisit un pistolet qu'il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant: "Caramba! "
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
" Donne-lui tout de même à boire ", dit mon père.

Catherine

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Message par Marie Dim 12 Nov 2023 - 13:15

Isolés tous les trois à Marseille
Essayer un feu les nuits de veille
Charger un bois vite consumé
Toujours rideau de fer abaissé

Pour éviter les émanations
Funeste à ce grand de la nation
« J’accuse » plaisait tant à ma mère
Supporter cette vie de galère ?

Pour fuir ces dimanches seuls et froids
L’hiver, prendre l’air ma mère et moi
Découvrir des pièces de théâtre
Et s’éloigner de ce semblant d’âtre

En été ersatz de vie sociale
Goûter un peu le temps estival
En tramway, le tour de la Corniche
Pour un peu se prendre pour des riches

Habillés comme des rois sans faste
Avaler une bière enthousiastes
Consommer tous ces mets faits la veille
A la plage se sentir pareil

Souvenirs aujourd’hui, ma mère morte !

Marie

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Message par Levasseur Liliane Jeu 16 Nov 2023 - 17:16

Atelier du 4/11/2023 Liliane L.
Sur le thème «Le livre de ma mère» d’Albert Cohen

Débarqués tout juste à Marseille
En provenance de Corfou
Deux orientaux timides et doux
Isolés en Occident sans conseils
Ils n’y connaissaient personne.

Incapables de faire brûler
Du bois dans la cheminée
Craignant de mourir asphyxiés
Comme le grand Zola
Ils crevaient de froid.

Tous les dimanches d’hiver
A défaut de feu dans l’âtre
Lui jeune garçon et sa mère
Trois heures durant unis
Ils allaient au théâtre.

Ces deux échappés d’Orient
Ridiculement trop bien vêtus
Elle magnifique Reine de Saba
Lui ravi comme un petit pacha
Paraissaient naïfs et perdus.

En été leur villégiature toute locale
Sur la Corniche «Arrêt de la Plage»
Discrètement tirés du sac de sa mère
Des mets aux saveurs orientales
Les régalaient devant la mer.

Peu dégourdis mais fiers
Émotifs et si aimants
A en rendre Dieu jaloux
C’était lui avec sa mère  
Souvenirs qui le secouent…

Maintenant qu’elle est MORTE.
Levasseur Liliane
Levasseur Liliane

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Message par Levasseur Liliane Sam 18 Nov 2023 - 9:11

A Marie,
Nous avons adopté la même structure et la fin est presque pareille ! J'ai découvert le poème de Marie au moment où je publiais le mien...
Levasseur Liliane
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Message par Coco Sam 4 Mai 2024 - 12:59

Je ferme ce sujet à l'écriture mais il reste consultable. Si vous souhaitez y ajouter quelque chose je pourrais toujours le rouvrir momentanément.

Coco
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